Livres anciens

Publié le : 05 décembre 201812 mins de lecture

Les collections de livres anciens

Si les livres anciens et modernes ont depuis toujours constitué un bon placement, ceux-ci exigent patience et discernement de la part du collectionneur.

La constitution d’une bibliothèque exige de fréquenter les librairies de livres anciens, les marchés et foires spécialisés, les ventes publiques et les expositions. Il faut suivre le marché, être attentif à la cote des livres. Le livre est une valeur sûre à moyen et long terme à condition de bien savoir acheter, vous diront les bibliophiles les plus avisés.

Les livres : le placement plaisir

Si les livres anciens et modernes ont depuis toujours constitué un bon placement, ceux-ci exigent patience et discernement de la part du collectionneur. Le bibliophile, autrement dit celui qui aime et recherche les livres rares et précieux, est un homme de goût, avisé et passionné. On estime à quelque 10 000 le nombre de bibliophiles en France. Dans leur grande majorité, les bibliophiles sont des hommes de plus de 50 ans, qui ont chacun leur propre centre d’intérêt. Certains sont davantage attirés par les contenus : l’histoire, la littérature, les sciences, le régionalisme sont les domaines les plus recherchés à ce jour. D’autres sont plus sensibles à la beauté formelle du livre et prennent plaisir à réunir les livres de tel éditeur, les reliures de telle époque ou de tel style, les ouvrages illustrés de tel artiste ou de telle période.
La constitution d’une belle bibliothèque demande souvent des années d’effort et de patience, largement récompensées par le plaisir de posséder un ensemble unique et de participer à la préservation du patrimoine culturel.

Le livre : un excellent placement

En termes de placement financier, le livre est sans aucun doute depuis longtemps l’une des meilleures formes d’investissement comme le prouvent les nombreux chiffres avancés par les spécialistes qui se sont penchés sur cet aspect. Christian Galantaris, important libraire parisien de livres anciens, expert près les tribunaux, et auteur d’un remarquable Manuel de bibliophilie (éditions des Cendres, Paris, 1997), affirme que le prix des livres depuis trois siècles n’a cessé d’être à la hausse. Ce que confirme Jacques Hellemans, qui a soutenu une thèse en 1990 à l’université de Mons, ayant pour titre Le livre, une forme de placement : « une famille possédant un patrimoine d’un million de francs or en 1900 (17 millions de francs actuels) disposerait aujourd’hui de 18 millions de francs si elle avait acheté de l’or, de 40 millions de francs si elle avait investit en terre de Beauce, et de… 500 millions de francs si elle s’était constituée une collection de grandes éditions originales » ! Depuis cinquante ans, les livres de qualité ont même vu croître leur valeur moyenne dans des proportions de l’ordre de 100 à 500 fois. Il ne faudrait toutefois pas en déduire que spéculer sur le livre est le meilleur moyen de s’enrichir. Si le livre demeure et restera encore pour longtemps un excellent investissement à moyen et long terme, son acquisition doit se faire dans des conditions raisonnables, sans vouloir à tout prix « faire de l’argent ». Le bibliophile ne se laissera pas dicter ses choix par le seul souci spéculatif : il devra prendre plaisir à constituer une collection de livres et s’y intéresser un tant soit peu en vue d’acquérir les meilleurs exemplaires. L’intérêt de ce type de collection ne réside-t-il pas aussi dans les connaissances que l’on peut en retirer ?

L’exemple d’un grand collectionneur

Les plus grands collectionneurs ne sont d’ailleurs jamais des spéculateurs même si leurs bibliothèques ont fini par représenter de véritables fortunes. L’exemple du Colonel Daniel Sickles est à cet égard édifiant. Grand collectionneur d’éditions originales, celui-ci fut le bibliophile le plus marquant du XXe siècle. La dispersion de sa bibliothèque consacrée à la littérature française du XIXe et XXe siècle aura fait l’objet de plus de vingt catalogues. Cet ensemble réunissait plus de dix mille pièces et était selon Me Buffetaud, « probablement la collection la plus importante de manuscrits, lettres et livres concernant la littérature française du XIXe siècle qui ait jamais été rassemblée par un seul homme, à la suite du vicomte de Lovenjoul ». Mais avant de constituer cette fabuleuse collection d’originales, le colonel comme on l’appelait familièrement, s’était intéressé dans un premier temps aux livres illustrés anciens puis aux livres illustrés modernes. De cet ensemble, après avoir réuni l’essentiel des titres et formé une collection cohérente et achevée, il se sépara lors d’une vente aux enchères. Avec l’argent qu’il tira de cette vente, il débuta sa collection d’éditions originales : paradoxalement, le colonel n’était pas à un lettré et ne lisait pour ainsi dire à cette époque que des romans policiers. Ce mondain parisien avait cependant eu l’intelligence de s’entourer de bons connaisseurs comme le futur grand libraire Gérard Oberlé qui le seconda durant plusieurs années.

Des collections diverses et variées

Sans avoir l’ambition de constituer de tels ensembles, nombre de collectionneurs s’attachent à rassembler des livres de tel auteur, de tel éditeur : les ouvrages des romantiques parus aux éditions Michel Lévy ou chez Charpentier sont aujourd’hui de plus en plus prisés tout en restant encore abordables (entre 150 et 250 €), tandis que les Jules Verne parus chez Hetzel dans leurs célèbres cartonnages polychromes ont vu leur cote monter continuellement (400 à 600 € selon leur état de fraîcheur, plus de 1500 € pour les premiers Jules Verne aux décors personnalisés et les premiers monochromes, alors qu’il y a plus de dix ans, ils ne trouvaient pas preneur à plus de 150 € pour les premiers, 800 € pour les seconds).
Certains bibliophiles aisés, selon leurs goûts, se tourneront vers les livres d’Heures ou les incunables qui sont assurément des valeurs sûres mais dont les prix peuvent être très élevés lorsqu’ils sont en bon état de conservation (plusieurs milliers voire dizaines de milliers d’euros). Les impressions du XVIe, période faste pour l’édition, sont également de plus en plus recherchées : en témoignent les récentes ventes publiques de la fin de l’année 2002 où ont été dispersées pas moins d’une cinquantaine d’ouvrages rares et de qualité (la plupart partis entre 1000 et 25000 €). La période napoléonienne a toujours suscité un grand intérêt parmi nombre d’amateurs : les deux ventes organisées à Fontainebleau et à Drouot, au mois de novembre dernier sur Napoléon, qui comprenaient de nombreux livres et correspondances ont ainsi rencontré un vif succès.
Autre domaine particulièrement porteur depuis une vingtaine d’années, celui du livre illustré moderne, et en particulier du livre de peintre. Soumise aux aléas du marché de l’art, et étroitement liée à la notoriété de l’artiste, la valeur globale des livres de peintre a néanmoins plus que décuplé en vingt ans selon l’étude très pointue réalisée par Jacques Hellemans. L’enchère de 610 750 € atteinte tout récemment chez Sotheby’s par le Chef d’œuvre inconnu de Balzac illustré par Picasso (Vollard, 1931), record mondial pour un livre imprimé en français, nous montre l’intérêt croissant que suscitent ces magnifiques ouvrages.

Ce qui fait la valeur d’un livre

Les critères qui déterminent la valeur d’un livre sont de différents ordres : il y a en premier lieu l’intérêt, la rareté du texte et de l’édition, puis la beauté de la reliure et des illustrations, enfin la notoriété des possesseurs antérieurs, sans oublier l’état de conservation. Chaque exemplaire étant unique, rien n’est plus difficile que d’évaluer la valeur d’un livre. Toutefois, plus l’exemplaire sera personnalisé, par exemple avec une dédicace de l’auteur à une personnalité connue, ou avec l’ex-libris d’un illustre possesseur, voire relié par un artiste-relieur de renom, plus sa valeur augmentera. Les livres ayant appartenu au célèbre bibliophile de la Renaissance Jean Grolier, rarissimes aujourd’hui sur le marché, se vendent aujourd’hui à des prix très élevés (entre 150 000 et 300 000 €). Paradoxalement, plus un livre est rare, plus il est sujet à une variation de prix, estime-t-on chez les libraires de livres anciens selon une règle admise depuis longtemps. Le prix d’un livre de qualité dont les exemplaires circulent régulièrement ne diminuera en revanche pour ainsi dire jamais. Mais comme dans tout commerce, les prix peuvent varier sensiblement d’un libraire à l’autre, d’une vente à l’autre. Il n’est pas rare de voir le prix d’un même livre doubler voire tripler de valeur en l’espace de quelques années, voire de quelques mois.

Le livre et son marché

La constitution d’une bibliothèque exige de fréquenter les libraires de livres anciens, les marchés et foires spécialisés, les ventes publiques, et même les expositions qui s’y rattachent. On estime à environ 500 le nombre de marchands de livres anciens et modernes en France dont certains vendent également des autographes et des estampes. 225 d’entre eux sont regroupés au sein du Syndicat national de la libraire ancienne et moderne (SLAM) : leur appartenance à ce syndicat, seul représentant en France de la profession, prouve leur expérience et leur attachement à des règles de déontologie. Le syndicat est lui-même affilié à la Ligue internationale de la librairie ancienne (LILA) qui réunit 21 associations nationales représentant 29 pays et regroupe quelques 2000 libraires dans le monde entier. Les marchés et foires où se vendent des livres anciens sont nombreux en France : on citera en tout premier lieu la Foire internationale du livre ancien organisée par le SLAM qui se déroule à Paris chaque année au printemps. Autres rendez-vous importants , les Salon et Marché de la Bibliophilie organisés tous deux par l’association GIPPE, qui se tiennent respectivement aux mois de mars et juin de chaque année. Les ventes publiques représentent une autre source non négligeable pour se procurer des livres de qualité : plusieurs ventes ont lieu chaque mois à l’Hôtel Drouot, avec une exposition préalable où les pièces mises en vente sont présentées. Si les dispersions les plus importantes ont lieu à Paris, certaines ventes de province ne sont pas moins intéressantes pour autant et peuvent faire l’objet d’achats judicieux à des prix moins élevés. Les occasions de voir des livres anciens de très grande qualité ne sont pas rares, tant à Paris qu’en province : les grandes bibliothèques présentent régulièrement ce genre d’expositions (Bibliothèque nationale de France, Bibliothèque du Musée Condé à Chantilly, Bibliothèque historique de la Ville de Paris, Musée de l’imprimerie à Lyon, etc. ) tandis que la Maison de la Bibliophilie à Paris, ouverte depuis deux ans, propose des expositions thématiques sur le sujet.
Suivre le marché, être attentif à la cote des livres, en apprécier l’évolution sur le moyen et le long terme, tout en visitant régulièrement libraires et marchés, et en assistant à certaines ventes, permet d’éviter bien des erreurs. Le livre est une valeur sûre à condition de bien savoir acheter, vous diront les bibliophiles les plus avisés. Mais avant d’être une valeur sûre, le livre est un plaisir à cultiver jour après jour… c’est ainsi que le bibliophile s’enrichira… non seulement sur le plan financier mais aussi sur le plan spirituel. Et c’est là toute la « richesse » du livre.

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